•      Regardez cette maison de poupée, sa couleur rose dragée que l’on a envie de croquer! Voici le Hawa Mahal (pour les hindous)  ou encore le Palais des Vents (pour les français), mieux connu sous le nom de Pink Palace (pour tout le monde)!

       

    Bienvenue à Jaipur! Au cœur du Rajasthan, terre des maharajas, au nord de l’Inde. Jaipur signifie la « ville victorieuse », jai «la  victoire » et pur « la ville ».

     

         Nous devons la construction de Jaipur à Jai Singh, une personnalité phare de l’Inde du XVIIIe siècle. Le petit Jai Singh n’a que 11 ans quand il monte sur le trône à la mort de son père. Il sera un grand maharaja, constructeur et érudit, se passionnant tout particulièrement pour l’astronomie. Il recevra même le titre de « sawâî » par l’empereur moghole, ce qui signifie  littéralement celui qui vaut Un plus un Quart (1+1/4), enfin bref, autrement dit quelqu’un d’exceptionnel ! Après quelques batailles dûment gagnées, il érigea la ville de Jaipur.

     

    C’est son petit-fils, le mahârâja Pratap Singh qui va lancer la construction de notre Pink Palace en 1799, un édifice surprenant, rattaché au contexte palatial de la ville. En réalité, il ne s’agit pas d’un palais, mais plutôt d’une sorte de façade. En effet, l’édifice en tant que tel ne dépasse pas les 3 mètres d’épaisseur…

     

         S’élevant sur 5 niveaux, il se compose de 953 petites niches! Cette accumulation de baies semi-octogonales, s’agglutinant les unes aux autres telle une ruche, donnent au monument cette façade si particulière. L’ensemble prend la forme pyramidale d’une couronne de Krishna, le célèbre dieu hindou que l’on voit ci-dessous en danseuse d’opéra.

          On a ici un exemple typique de l’architecture rajpute soumise à l’influence islamiste moghole. Petit point historique : Les rajputs sont connus en Inde pour être de valeureux soldats, ils formaient, et forment encore, la majorité de habitants du Rajasthan (là où nous sommes !). L’homme rajput porte traditionnellement sur sa tête un imposant turban, dont le tissus peut mesurer jusqu’à 18 mètres ! Pour ce qui est des mogholes, leur empire se maintient en Inde pendant plus de trois siècle (de 1526 à 1858 pour être précis). Pas étonnant que leur présence se fera ressentir jusque dans les arts.

    Le Pink Palace illustre l’architecture rajpute par cette accumulation de pare-soleils (chhajjas), de fenêtres-balcons (jharokhas) et de fenêtres en treillis (jalis). Sans oublier le motif du lotus qui recouvre les kiosques de part et d’autre de l’édifice. L’influence islamiste moghole est présente, elle, à travers la symétrie du bâtiment et plus particulièrement dans le travail ajouré des arches. Une réalisation très fine, semblable aux filigranes d’orfèvre ou aux dentelles de pierre.

    © Copyright - Heather Buckley- http://heatherbuckley.co.uk/gallery/india-in-colour/#

         Voilà toute la beauté du Pink Palace! Mais pourquoi nous, français, parlons-nous de palais des vents ? En réalité Hawa Mahal signifie Palais du vent. Le terme de Pink Palace est devenu populaire à cause (comme vous pouvez l’imaginer) de la couleur du bâtiment. Le lien avec le vent est moins évident, mais cependant beaucoup plus fonctionnel.

    Le Rajasthan est une région qui connait de très fortes chaleurs. Au mois de mai, la température atteint les 40 degrés ! Il fait donc chaud, très chaud. L’accès à l’eau et au vent conditionne la vie des habitants. Ainsi de nombreuses pratiques sont mises en places. Comme la présence des « femmes fontaines » dans la ville. N’ayez pas l’esprit mal placé, il s’agit en fait de points d’eau gratuits en forme de petites cabanes, depuis lesquelles des petites dames versent la quantité d’eau fraiche demandée.

    La nécessité de se rafraichir est donc au centre des préoccupations des habitants de Jaipur. Et ceci va se faire inévitablement ressentir dans l’architecture du palais. L’édifice a été construit de manière à ce que le vent puisse passer et rafraichir, grâce à ces milliers de petites ouvertures dans les murs. Le refroidissement des pièces était accompagné par des petites fontaines au centre des chambres. Ainsi Hawa Mahal doit son nom à la brise rafraîchissante que laissent filtrer ses petites fenêtres.

          Maintenant que nous savons tout cela, à quoi servait donc le Pink Palace, si ce n’est à se rafraîchir? La réponse se trouve auprès des femmes du Harem. Ces dernières avaient interdiction de sortir et de se montrer en public. Ainsi grâce aux petites fenêtres du Pink Palace, elles pouvaient observer, ce qui se passer dans la rue, sans être vu. Chose particulièrement utile lors des grandes parades organisées par le maharaja. Je vous propose de découvrir leurs vies au sein du harem, les coutumes et les traditions qui régissaient leurs existences. Commençons par leurs histoires.

    Autrefois au Rajasthan, les femmes indiennes vivaient librement, à l’égale de l’homme. Les maharanis, femme de maharaja, siégeaient aux côtés de leurs époux, sans se cacher. Puis, avec l’invasion moghole, on a adopté la coutume musulmane, en couvrant leur visage d’un voile. Les indiens racontent qu’à leurs arrivées, les mogholes ont enlevés les femmes et les ont mise dans des palais. C’est ainsi qu’est arrivé la purdah.

    Mais qu’est-ce que la purdah? Ce terme peut prendre deux sens. Dans certains cas, c’est un synonyme de « harem ». En effet, la « purdah », ou encore « zenana », est l’espace réservé aux femmes dans les palais indiens. Mais « purdah » peut aussi désigner le voile, qu’elles portent pour couvrir leurs corps et cacher leurs formes de la vue de l’homme. Une pratique destinée à les préserver du regard et de la convoitise des nouveaux venus. « Purdah » signifie d’ailleurs « rideau » en hindoue. Cette coutume était très stricte au Rajasthan. Aujourd’hui en Inde, elle évoque la tradition du port du voile. Elle ne concerne alors que quelques femmes, appartenant souvent à une certaine caste princière. La purdah au sens de voile est devenu pour elles un signe de reconnaissance. (Attention il faut le différencier du voile léger traditionnel indien).

         Mais nous, ce qui intéresse c’est surtout la purdah, dans le sens de zenana. De tous temps, ces harems indiens ont toujours intrigué, fasciné les voyageurs, émanant une douce sensation de mystère… Le zenana était donc l’espace réservé à toutes les femmes du palais. Elles y vivaient voilées, recluses et soumises, sous bonne garde d’eunuques. L’endroit était quasi inaccessible, seul le maharaja et les princes, ainsi que de rares élus, y avaient accès. Quand un inconnu entrait dans la purdah, on sonnait une cloche pour indiquer aux femmes qu’elles devaient se cacher ou du moins se couvrir.

     

          A l’intérieur du zenana, il y avait une organisation bien précise. La badaran régissait la vie du harem, aidé du sardor, une sorte d’intendant. Elle avait sous sa garde les maharanis, femmes des princes, mais aussi les maitresses et les concubines. La badaran et les eunuques étaient le seul lien avec l’extérieur pour ces femmes.

    Mais à quoi passaient-elles leurs journées? Entre intrigues et commérages, toutes leurs activités journalières étaient centrées sur un unique objectif : séduire. Musique, danses, tenues, maquillages, pratiques sexuelles…rien n’était laissé au hasard. La danse est certainement l’élément le plus important de la vie du harem. En Inde, la danse a quelque chose de sacré, la danse ensorcelle l’homme. Ainsi sa place dans le zenana est toute trouvée. Le reste du temps, enfermées derrières ces écrans de pierre ajourée, elles observent ce qui se passe dehors, sans jamais avoir le droit de se montrer. Les rares fois où elles sortaient, elles se déplaçaient dans des voitures à porteurs, bien cachées derrière les rideaux. Dans les Voiles du Rajasthan, un reportage que je vous recommande particulièrement, un homme raconte l’histoire de sa grand-mère, une maharani. Cette dernière avait osé sortir son petit doigt pour laisser passer un peu d’air. Elle le regretta amèrement car on lui coupa le doigt!

    Le purdah était d’une importance capitale pour le maharaja. Plus le harem était grand, plus les femmes étaient belles, plus les danses étaient sensuelles et ensorcelantes : plus grand était le prestige. Les plus importants contenaient jusqu’à 1500 femmes. Ainsi se battaient-ils pour obtenir les plus belles danseuses d’Inde, symbole de pouvoir… Aujourd’hui ces harems ont quasiment disparu du Rajasthan. Même si il en existe encore auprès de petits seigneurs locaux, les règles y sont moins strictes, les femmes peuvent sortir et rentrer comme elles le souhaitent.

          Pour finir, je vais vous parler d’une dernière coutume de l’époque, plus surprenante, et dieu merci moins courante! Il s’agit de la satï. A l’origine, Satï est une déesse hindoue, qui, pour laver l’affront fait à son mari, s’enflamme en retenant son souffle. De ce mythe va dériver une tradition funéraire. A la mort de son mari, l’épouse vertueuse doit le suivre jusque dans la mort. Elle devait donc monter sur le bucher et mourir brulée vive. Ce genre de sacrifice était réservé qu’à une certaine caste, celle des rois, des nobles, et des guerriers. C’est une pratique que l’on retrouve en particulier chez les épouses des guerriers rajputs. On découvre souvent à l'entrée des forts du Rajasthan des symboles de mains indiquant le nombre de veuves de haut rang rajputes ayant pratiquées la sati. C’est ainsi que je termine cette parenthèse dédiée à la vie des indiennes au XVIIIe siècle.

         Vous pouvez à présent imaginer le quotidien de ces femmes derrière les murs ajourés du Pink Palace! Un univers de femmes, qui, alliant sensualité et tradition, a nourrit bien des fantasmes durant de nombreuses années.

         Pour en savoir plus, et pour s’imprégner de l’ambiance de ces harems, le mieux est encore d’y aller et de visiter la ville à dos d’éléphant! Mais bon, sinon voici quelques liens ci-dessous, mais je vous (re)conseille surtout le reportage d’ARTE « Les Voiles du Rajasthan » qui m’a été d’une grande aide. J’espère que ce « Coup d’œil N°12 » vous a plu! On se retrouve pour le N°13!

    Pour découvrir les femmes fontaines de Jaipur :http://www.dailymotion.com/video/x19uc7k_la-quete-des-vents-loo-eviter-la-deshydratation_travel

    L’histoire de Jaipur :http://www.jaipuronline.in/city-guide/history-of-jaipur

    L’architecture rajpute et moghole :http://www.infoinde.com/inde_rajput.php


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  • Qui a dit que toutes les églises modernes ressemblaient à des blocs de bétons ? Certaines ne sont pas de cet avis, et elles comptent bien vous le montrer. Démonstration !

              Il est vrai que l’on peut être rebuté à la vue de quelques églises récentes, aux formes simplistes et monotones ! Qui, nous pouvons le dire, « ne cassent rien » à coté de nos cathédrales en dentelles de pierre ! Devant leurs façades, difficile de rivaliser ! Alors nos nouvelles églises vont choisir de mettre le paquet sur leurs intérieurs. Elles se révèlent être alors de véritables petits écrins de lumière, qui, j’en suis sûre, ne vous laisseront pas de marbre ! Je vous emmène donc un peu voyager dans l’espace, comme dans le temps !

              Je vous propose en effet de partir pour Brasilia, la capitale du Brésil. Cette ville a un caractère bien particulier : du haut de ses 50 ans, elle est toute neuve. Sa construction est lancée à un rythme fou, entre 1957 et 1960. On raconte que les principaux bâtiments  furent réalisés en 1000 jours seulement. C’est le président de l’époque, Juscelino Kubitschechek, qui lance ce projet exubérant à Oscar Niemeyer, qui va l’entreprendre sans ménagement (Oui, oui vous vous rappelez bien ! C’est le même qui a construit la coupole du PCF à Paris, dans mon coup d’œil n°7).  

    De son imaginaire va naître des édifices de toutes sortes, tournés autours d’une même obsession : la courbe.« Ce qui m’attire, c’est la courbe libre et sensuelle. La courbe que l’on rencontre dans les montagnes de mon pays, dans les nuages au ciel, dans le corps de la femme aimée. Tout l’univers est fait de courbes. L’univers courbe d’Einstein ». Il ne faut pas oublier aussi l‘imminent travail de Lucio Costa pour l’urbanisation de la ville,après que son travail ait été choisi parmi 66 autres projets !! Mais revenons à nos moutons : les églises. C’est dans cette ville toute neuve, que  vont naitre deux édifices qui vont transformer votre vision de l’église moderne.

              Je vous présente la Cathédrale Métropolitaine Notre-Dame de l’Apparition! Réelle carte postale de Brasilia, c’est la première dont je vais vous parler, et celle qui est certainement la plus connue.

              Nous devons cette petite merveille de l’architecture à Oscar Niemeyer. Elle émerge de terre 10 ans après la construction de la ville, en 1970. D’un diamètre de 70 mètres de long et d’une hauteur de 40 mètres, la cathédrale se compose de 16 colonnes incurvées soutenant la majestueuse verrière. Niemeyer choisit un plan circulaire pouvant accueillir 4000 fidèles, rejetant ainsi le plan traditionnel cruciforme. A travers cet édifice, il va créer une architecture résolument futuriste. Centré sur la lumière, accompagné par la courbe, il va développer un nouveau langage.

              L’incroyable défi de Niemeyer a été d’imaginer un lieu saint, alors que lui-même était athée. L’architecte décide de  se concentrer sur les attentes et les préoccupations du fidèle. Il ne  se contente pas de reprendre les schémas classiques de l’architecture du sacré. Non, Oscar Niemeyer choisit d’aller encore plus loin. Il  crée alors une nouvelle architecture, plus futuriste, entièrement accès sur la lumière : « Dans la cathédrale de Brasilia, j'ai incorporé des espaces transparents dans les vitraux, pour que les croyants puissent, de la nef, imaginer que là, dans les espaces infinis, le Seigneur les attend. ». Il confie la décoration de la verrière à Marianne Perreti, plasticienne parisienne (la french touch), que l’on nomme aujourd’hui « sa muse du vitrail ». Sur 2240 m2 (ou 2100m2 ou 2500 m2, on n’est pas tous d’accord), elle va dérouler de longues ondulations bleues verdoyantes, jaillissant de la croix. « Je suis la source d’eau vive ». Ici encore une nouvelle symbolique se développe. Nous sommes loin des vitraux historiés de nos belles cathédrales françaises, mais tout autant époustouflés.

        

    Si vous avez envie de faire une petite visite virtuelle, avec une vue  360°, c’est ici : http://catedral.org.br/visitavirtual

    Il est temps à présent de découvrir notre seconde église !

              Voici le Sanctuaire Don Bosco, aussi appelé « l’Eglise Bleue ». Tout d’abord, pourquoi Don Bosco ? Qu’est-ce qu’un prêtre italien vient faire là, de l’autre côté de l’Atlantique ?  L’histoire de la naissance de Brasilia est intimement liée à celle de l’ecclésiastique. L’histoire raconte que, vers 1860 (on ne sait pas exactement), Dom Bosco rêva de la création d’une cité prospère au bord d'un lac, entre les 15e et 20e parallèles de l'hémisphère sud. 100 ans plus tard, Brasilia émerge de terre. Afin d’honorer le rêve de Dom Bosco, les brésiliens construisirent  une église en son honneur, au point exact où passe le 15e parallèle. Il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui Don Bosco soit le saint patron de la ville.

     

    Intéressons-nous à l’édifice. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, extérieurement, l’église prend une allure géométrique, certes élégante, mais limpide et froide.

              Mais intérieurement, c’est une explosion de lumières bleues. Composée de milliers de petits carreaux de 12 différentes nuances de bleues, sur 2200 m² de vitraux, l’impression est immédiate. Vision d’un ciel étoilé pour certains, sensation d’une paix envoutante pour d’autres. L’église se drape de reflets bleus, variant aux grés des temps, s’intensifiant à la tombée du jour. L’ensemble des fenêtres s’élevant sur 16 mètres de haut furent conçues par Claudio Naves, et peintes par le belge Hubert Van Doorne. Ils créèrent ensemble un véritable écrin de lumière bleue, caché dans une sobre enveloppe blanche.

              Une fois la nuit tombée,  le spectacle continue de plus belle ! L’immense lustre se réveille. Ses proportions sont hors normes : 5 mètres de diamètre, 3,5 mètres de hauteur ! Mais surtout il pèse le modique poids de 3 tonnes (soit un beau camion), si lourd qu’il participe entièrement à la bonne tenue de l‘édifice. Réalisé par l'architecte Alvimar Moreira, il est composé de 7400 verres de Murano.

               J’espère à travers ces deux exemples vous avoir convaincu du talent de nos églises modernes ! Les édifices religieux de Brasilia sont futuristes, surprenants ! Ils ont, à mon goût, un intérêt majeur pour leurs conceptions des jeux de lumière. Nous proposant une expérience tout à fait nouvelle du sacré, c’est une architecture qui nous époustoufle, qui nous émeut face à sa majesté lumineuse. Alors la prochaine fois, n’hésitez pas à pousser la porte d’une église aux allures monotones, vous serez surpris de découvrir ce qu’elle vous cache !


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  • Vous connaissez sans doute de nom le fameux Bernin, el Bernini! Il est particulièrement célèbre  pour son Baldaquin de Saint Pierre de Rome ou encore son Extase de Sainte Thérèse.

       

    Grand maestro du baroque, le Bernin subjugue par son rendu exceptionnel des chairs : regardez la main de Jupiter  qui s’enfonce dans la cuisse de Perséphone ! On a l’impression d’y être, de pouvoir tendre la main et de toucher sa peau.

       

    Le Bernin révolutionne aussi le portait sculpté. Un art bernesque que l’on appellera plus tard : "le portait parlant". En effet, on se tient devant ses œuvres comme si on se tenait devant de véritable personne. Les expressions du visage sont fidèles en tout point. Le Bernin réussi à insuffler un souffle de vie à travers ses images de pierre. Celui qui nous intéresse est le buste du Cardinal Scipion Borghèse, grand commanditaire du Bernin. En réalité, el Bernini en a réalisé plusieurs pour ce grand personnage historique. Tous nous donnent l’impression d’être face au Cardinal.

     

    Outre son rendu des chairs exceptionnels, il a une méthode bien à lui, que l’on peut voir en se rapprochant au plus près du buste. Alors que tous les grands sculpteurs des siècles précédents n’arrivaient pas à transmettre l’intensité du regard, le Bernin choisit de creuser intensément la pupille dans la pierre pour faire rentrer l’ombre, évitant ainsi les regards cadavériques des statues antiques!  Surprenant non ? On avait déjà observé cette méthode avec Michel-Ange, mais Le Bernin va encore plus loin.

     

    Il y a une petite anecdote à connaitre sur les bustes de Scipion Borghèse, qui révèle tout le talent et tout le génie du Bernin. Ce dernier avait commencé à sculpter  un buste pour le cardinal. En achevant son travail il réalisa qu’il y avait un défaut dans le marbre : une longue rainure parcourant le front du cardinal. Comme si on lui avait scalpé le front ! Il ne reste alors que quelques jours avant la livraison. On raconte que le Bernin réalisa un nouveau buste d’autant plus parfait en trois jours seulement. Le cardinal fut impressionné par cette prouesse et continua de lui accorder ces bonnes grâces.

     

     


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  • Magnifique non ? Et certains seront surpris de savoir où se trouve cette petite merveille !

    C’est à Nantes au cœur du quartier Graslin, rue Racine, que vous trouverez cette immense coupole dans l’immeuble de la CGA, caisse générale des accidents. Cet édifice symbolise l’architecture art déco de la ville.

      

         

     

    L’art déco et sa géométrie rigoureuse se développent dans les années 20 /30 faisant face aux courbes et aux volutes de l’art nouveau. On a un retour à la rigueur classique, à la symétrie, aux formes géométriques et aux ordres classiques stylisés.  C’est l’architecte Henri Vié, célèbre architecte nantais qui en 1932 réalise cet élégant immeuble pour l’entreprise nantaise d’assurance, qui y siègera jusqu’à sa liquidation judiciaire en 2003. Prenant la forme d’un U, l’immeuble est entièrement en béton.  Le béton permet d’ouvrir les espaces, de faire de grandes et belles pièces. En plus il offre de belles surfaces lisses et nues sur lesquelles on peut venir dessiner de gros blocs rappelant les murs des édifices antiques.

    Le véritable trésor de l’immeuble se trouve à l’intérieur, malheureusement visible au public uniquement lors des journées du patrimoine. Il s’agit donc de cette grande coupole de verre et de ciment. N’imaginais pas une petite coupole de verre dans le vestibule d’un immeuble ! Non, cette coupole mesure environ 15 m de diamètre. C’est la plus grande coupole de pavés de verre cimentés art déco du monde.

     

       

      

    Mais la décoration art déco ne s’arrête pas là. En effet on peut observer une mosaïque complétement nouvelle pour l’époque. Aux allures géométriques, elle a été réalisée par l’atelier Graziana.

      

     

    Cet atelier nantais avait déjà paré un immeuble lui aussi art déco non loin d’ici : l’ancienne centrale  téléphonique de Nantes, rue de l’Héronnière.

    Maintenant parlons des deux derniers éléments remarquables de cet édifice. Regardez ces deux peintures :

        

    Il n’y a rien qui vous parait étrange ? Ce ne sont pas des sculptures mais deux peintures en trompe l’œil ! Il n’y a pas de retrait dans le mur, l’œuvre est peinte sur un mur continu. On a à travers ces peintures une référence à l’antiquité forte avec la mosaïque, les sculptures figuratives aux traits géométrisés, la composition à la symétrie parfaite, mais aussi ces fontaines et ces palmiers rappelant les villas antiques. C’est là toute l’idée de l’art déco : de l’antique géométrique !

     

    J’espère vous avoir donné envi de voir cet extraordinaire édifice art déco « jusqu’au bout des doigts » ! Mais pour ça il faudra attendre les prochaines journées du patrimoine!


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  • Je vous emmène dans une contrée lointaine au Turkménistan. Ce pays, qui est presque aussi grand que la France, se situe sur le bord est de la mer Caspienne et recèle de nombreux trésors.

        

    Je vais vous parler des ruines de Kunya Urgench (ou Kounya-Ourguentch, il existe différentes orthographes) qui se situent au Nord du Turkménistan au niveau de sa frontière avec l’Ouzbékistan. Il s’agit du mausolée de Turabeg Khan et du minaret de Gutlug Timur. Voilà ces deux vestiges :

     

    Kunya Urgench n’était pas n’importe quelle ville autrefois, c’était la capitale de la région de Khwarezm(du 10e au 14e siècle). Mais ce qui a fait de Kunya Urgench un lieu riche et prospère, c’est son emplacement. En effet, elle était située sur l'un des plus importants chemins médiévaux : la Route de la Soie, soit le carrefour des civilisations occidentales et orientales.  Ibn Battuta, un célèbre voyageur du 14e siècle parle de la ville comme la plus grande, la plus belle et la plus importante de villes turques (rien que ça!).

    Petit point historique pour les curieux (et les courageux) qui permet de mieux comprendre la singularité de nos édifices: Au 13e, la ville va être détruite par une invasion mongole terriblement sanglante, la Horde d’or.  Elle va aussi connaître les frasques des Timourides, descendant de Tamerlan au 15e siècle. Malgré cela la ville se reconstruit à chaque fois. Au 16e elle perd sa fonction de capital et tombe dans la décadence. Puis le fleuve irriguant les terres  dévie  son cours, et laisse Kunya Urgench asséchée! Les habitants désertèrent alors la ville et s’installèrent au 18e de l’autre côté du fleuve. Au 20e siècle, on réutilisa le site de Kunya Urgench comme un cimetière.

    Kunya Urgench est l'un des sites archéologiques les plus importants au Turkménistan grâce à de nombreux édifices qui y sont bien conservés. On y trouve des mosquées, des forteresses, des mausolées et un minaret. Le style que l’on trouve à travers l’architecture et l’artisanat influencera de nombreuses contrées comme l’Iran, l'Afghanistan, l’Inde… Il y a deux édifices qui sont particulièrement remarquables.

    Le premier est le mausolée de Turabeg Khan. Avec son portail de plus de 25 mètres de haut, c’est un des plus imposants monuments du pays. Turabeg Khan était la fille d’Uzbek Khan (ou Ozbeg Khan), un prince mongol de la Horde d’or converti à l’islam. On raconte qu’il convertit les Mongols de la Horde d'or à la religion musulmane et permit la diffusion du soufisme. Ça valait bien un mausolée grandiose!

    Datant du 14e siècle, l’édifice est remarquable pour ces grands volumes et particulièrement pour la richesse de ces mosaïques colorées de bleue, qui forment des ornements complexes entremêlant fleurs et étoiles…

    Ce qui est particulièrement remarquable dans cet édifice, c’est le rapport étroit et aigu qu’il y a entre le couvrement et le calendrier. En effet, la coupole  porte 365 figures géométriques entremêlées correspondant aux 365 jours de l'année. Autour, il y a 24 arches pour les 24 heures de la journée, et juste en dessous on trouve 12 arches pour, comme vous avez dû le deviner, les 12 mois de l’année. De nombreux archéologues et scientifiques ont été surpris de cette précision pour le 14e siècle. Ces étoiles et ces fleurs entremêlées  sur fond bleu sont une métaphore visuelle des cieux. L’univers et le temps sont des mystères impénétrables qui sont ici évoqués et mélangés, introduisant ainsi une réflexion philosophique et spirituelle. Que de sciences !

     

    Le deuxième édifice est le minaret de Gutlug Timur. Il  s’élève à 60 mètres de haut, c’est-à-dire bien plus grand que l’arc de triomphe qui ne mesure que 50 mètres de haut. C’est quand même le plus haut minaret d’Asie Centrale de cette époque après le minaret de Djam en Afghanistan qui mesure 65 mètres de haut.  En plus, il faut aussi préciser que le minaret est encore en élévation alors qu’il date du 11e siècle ! 60 mètres de haut, c’est d’autant plus remarquable pour cette période. Son diamètre à la base mesure 12 mètres, alors qu’au sommet il mesure seulement 2 mètres. Bref un monument atypique qui devait avoir un muezzin bien sportif !

     

    Aujourd’hui, Kunya Urgench est un lieu de pèlerinage local, on vient se recueillir devant les mausolées et prier, mais il y a des pratiques qui sont plus atypiques. En effet, outre les petits tas de pierres, il y a tout un rite autour de la fécondité. Des femmes se laissent rouler dans la terre et des petits berceaux sont laissés pour tomber enceinte.

    Les vestiges de Kunya Urgench sont vraiment remarquables et révèlent toute la richesse intellectuelle qu’a connue la ville à une époque. Ce qui justifie amplement le fait que les ruines ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, en 2005.

     

     

     

     


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