• Coup d'oeil N°12: La cage rosée du Pink Palace de Jaipur, venez découvrir les harems indiens!

         Regardez cette maison de poupée, sa couleur rose dragée que l’on a envie de croquer! Voici le Hawa Mahal (pour les hindous)  ou encore le Palais des Vents (pour les français), mieux connu sous le nom de Pink Palace (pour tout le monde)!

       

    Bienvenue à Jaipur! Au cœur du Rajasthan, terre des maharajas, au nord de l’Inde. Jaipur signifie la « ville victorieuse », jai «la  victoire » et pur « la ville ».

     

         Nous devons la construction de Jaipur à Jai Singh, une personnalité phare de l’Inde du XVIIIe siècle. Le petit Jai Singh n’a que 11 ans quand il monte sur le trône à la mort de son père. Il sera un grand maharaja, constructeur et érudit, se passionnant tout particulièrement pour l’astronomie. Il recevra même le titre de « sawâî » par l’empereur moghole, ce qui signifie  littéralement celui qui vaut Un plus un Quart (1+1/4), enfin bref, autrement dit quelqu’un d’exceptionnel ! Après quelques batailles dûment gagnées, il érigea la ville de Jaipur.

     

    C’est son petit-fils, le mahârâja Pratap Singh qui va lancer la construction de notre Pink Palace en 1799, un édifice surprenant, rattaché au contexte palatial de la ville. En réalité, il ne s’agit pas d’un palais, mais plutôt d’une sorte de façade. En effet, l’édifice en tant que tel ne dépasse pas les 3 mètres d’épaisseur…

     

         S’élevant sur 5 niveaux, il se compose de 953 petites niches! Cette accumulation de baies semi-octogonales, s’agglutinant les unes aux autres telle une ruche, donnent au monument cette façade si particulière. L’ensemble prend la forme pyramidale d’une couronne de Krishna, le célèbre dieu hindou que l’on voit ci-dessous en danseuse d’opéra.

          On a ici un exemple typique de l’architecture rajpute soumise à l’influence islamiste moghole. Petit point historique : Les rajputs sont connus en Inde pour être de valeureux soldats, ils formaient, et forment encore, la majorité de habitants du Rajasthan (là où nous sommes !). L’homme rajput porte traditionnellement sur sa tête un imposant turban, dont le tissus peut mesurer jusqu’à 18 mètres ! Pour ce qui est des mogholes, leur empire se maintient en Inde pendant plus de trois siècle (de 1526 à 1858 pour être précis). Pas étonnant que leur présence se fera ressentir jusque dans les arts.

    Le Pink Palace illustre l’architecture rajpute par cette accumulation de pare-soleils (chhajjas), de fenêtres-balcons (jharokhas) et de fenêtres en treillis (jalis). Sans oublier le motif du lotus qui recouvre les kiosques de part et d’autre de l’édifice. L’influence islamiste moghole est présente, elle, à travers la symétrie du bâtiment et plus particulièrement dans le travail ajouré des arches. Une réalisation très fine, semblable aux filigranes d’orfèvre ou aux dentelles de pierre.

    © Copyright - Heather Buckley- http://heatherbuckley.co.uk/gallery/india-in-colour/#

         Voilà toute la beauté du Pink Palace! Mais pourquoi nous, français, parlons-nous de palais des vents ? En réalité Hawa Mahal signifie Palais du vent. Le terme de Pink Palace est devenu populaire à cause (comme vous pouvez l’imaginer) de la couleur du bâtiment. Le lien avec le vent est moins évident, mais cependant beaucoup plus fonctionnel.

    Le Rajasthan est une région qui connait de très fortes chaleurs. Au mois de mai, la température atteint les 40 degrés ! Il fait donc chaud, très chaud. L’accès à l’eau et au vent conditionne la vie des habitants. Ainsi de nombreuses pratiques sont mises en places. Comme la présence des « femmes fontaines » dans la ville. N’ayez pas l’esprit mal placé, il s’agit en fait de points d’eau gratuits en forme de petites cabanes, depuis lesquelles des petites dames versent la quantité d’eau fraiche demandée.

    La nécessité de se rafraichir est donc au centre des préoccupations des habitants de Jaipur. Et ceci va se faire inévitablement ressentir dans l’architecture du palais. L’édifice a été construit de manière à ce que le vent puisse passer et rafraichir, grâce à ces milliers de petites ouvertures dans les murs. Le refroidissement des pièces était accompagné par des petites fontaines au centre des chambres. Ainsi Hawa Mahal doit son nom à la brise rafraîchissante que laissent filtrer ses petites fenêtres.

          Maintenant que nous savons tout cela, à quoi servait donc le Pink Palace, si ce n’est à se rafraîchir? La réponse se trouve auprès des femmes du Harem. Ces dernières avaient interdiction de sortir et de se montrer en public. Ainsi grâce aux petites fenêtres du Pink Palace, elles pouvaient observer, ce qui se passer dans la rue, sans être vu. Chose particulièrement utile lors des grandes parades organisées par le maharaja. Je vous propose de découvrir leurs vies au sein du harem, les coutumes et les traditions qui régissaient leurs existences. Commençons par leurs histoires.

    Autrefois au Rajasthan, les femmes indiennes vivaient librement, à l’égale de l’homme. Les maharanis, femme de maharaja, siégeaient aux côtés de leurs époux, sans se cacher. Puis, avec l’invasion moghole, on a adopté la coutume musulmane, en couvrant leur visage d’un voile. Les indiens racontent qu’à leurs arrivées, les mogholes ont enlevés les femmes et les ont mise dans des palais. C’est ainsi qu’est arrivé la purdah.

    Mais qu’est-ce que la purdah? Ce terme peut prendre deux sens. Dans certains cas, c’est un synonyme de « harem ». En effet, la « purdah », ou encore « zenana », est l’espace réservé aux femmes dans les palais indiens. Mais « purdah » peut aussi désigner le voile, qu’elles portent pour couvrir leurs corps et cacher leurs formes de la vue de l’homme. Une pratique destinée à les préserver du regard et de la convoitise des nouveaux venus. « Purdah » signifie d’ailleurs « rideau » en hindoue. Cette coutume était très stricte au Rajasthan. Aujourd’hui en Inde, elle évoque la tradition du port du voile. Elle ne concerne alors que quelques femmes, appartenant souvent à une certaine caste princière. La purdah au sens de voile est devenu pour elles un signe de reconnaissance. (Attention il faut le différencier du voile léger traditionnel indien).

         Mais nous, ce qui intéresse c’est surtout la purdah, dans le sens de zenana. De tous temps, ces harems indiens ont toujours intrigué, fasciné les voyageurs, émanant une douce sensation de mystère… Le zenana était donc l’espace réservé à toutes les femmes du palais. Elles y vivaient voilées, recluses et soumises, sous bonne garde d’eunuques. L’endroit était quasi inaccessible, seul le maharaja et les princes, ainsi que de rares élus, y avaient accès. Quand un inconnu entrait dans la purdah, on sonnait une cloche pour indiquer aux femmes qu’elles devaient se cacher ou du moins se couvrir.

     

          A l’intérieur du zenana, il y avait une organisation bien précise. La badaran régissait la vie du harem, aidé du sardor, une sorte d’intendant. Elle avait sous sa garde les maharanis, femmes des princes, mais aussi les maitresses et les concubines. La badaran et les eunuques étaient le seul lien avec l’extérieur pour ces femmes.

    Mais à quoi passaient-elles leurs journées? Entre intrigues et commérages, toutes leurs activités journalières étaient centrées sur un unique objectif : séduire. Musique, danses, tenues, maquillages, pratiques sexuelles…rien n’était laissé au hasard. La danse est certainement l’élément le plus important de la vie du harem. En Inde, la danse a quelque chose de sacré, la danse ensorcelle l’homme. Ainsi sa place dans le zenana est toute trouvée. Le reste du temps, enfermées derrières ces écrans de pierre ajourée, elles observent ce qui se passe dehors, sans jamais avoir le droit de se montrer. Les rares fois où elles sortaient, elles se déplaçaient dans des voitures à porteurs, bien cachées derrière les rideaux. Dans les Voiles du Rajasthan, un reportage que je vous recommande particulièrement, un homme raconte l’histoire de sa grand-mère, une maharani. Cette dernière avait osé sortir son petit doigt pour laisser passer un peu d’air. Elle le regretta amèrement car on lui coupa le doigt!

    Le purdah était d’une importance capitale pour le maharaja. Plus le harem était grand, plus les femmes étaient belles, plus les danses étaient sensuelles et ensorcelantes : plus grand était le prestige. Les plus importants contenaient jusqu’à 1500 femmes. Ainsi se battaient-ils pour obtenir les plus belles danseuses d’Inde, symbole de pouvoir… Aujourd’hui ces harems ont quasiment disparu du Rajasthan. Même si il en existe encore auprès de petits seigneurs locaux, les règles y sont moins strictes, les femmes peuvent sortir et rentrer comme elles le souhaitent.

          Pour finir, je vais vous parler d’une dernière coutume de l’époque, plus surprenante, et dieu merci moins courante! Il s’agit de la satï. A l’origine, Satï est une déesse hindoue, qui, pour laver l’affront fait à son mari, s’enflamme en retenant son souffle. De ce mythe va dériver une tradition funéraire. A la mort de son mari, l’épouse vertueuse doit le suivre jusque dans la mort. Elle devait donc monter sur le bucher et mourir brulée vive. Ce genre de sacrifice était réservé qu’à une certaine caste, celle des rois, des nobles, et des guerriers. C’est une pratique que l’on retrouve en particulier chez les épouses des guerriers rajputs. On découvre souvent à l'entrée des forts du Rajasthan des symboles de mains indiquant le nombre de veuves de haut rang rajputes ayant pratiquées la sati. C’est ainsi que je termine cette parenthèse dédiée à la vie des indiennes au XVIIIe siècle.

         Vous pouvez à présent imaginer le quotidien de ces femmes derrière les murs ajourés du Pink Palace! Un univers de femmes, qui, alliant sensualité et tradition, a nourrit bien des fantasmes durant de nombreuses années.

         Pour en savoir plus, et pour s’imprégner de l’ambiance de ces harems, le mieux est encore d’y aller et de visiter la ville à dos d’éléphant! Mais bon, sinon voici quelques liens ci-dessous, mais je vous (re)conseille surtout le reportage d’ARTE « Les Voiles du Rajasthan » qui m’a été d’une grande aide. J’espère que ce « Coup d’œil N°12 » vous a plu! On se retrouve pour le N°13!

    Pour découvrir les femmes fontaines de Jaipur :http://www.dailymotion.com/video/x19uc7k_la-quete-des-vents-loo-eviter-la-deshydratation_travel

    L’histoire de Jaipur :http://www.jaipuronline.in/city-guide/history-of-jaipur

    L’architecture rajpute et moghole :http://www.infoinde.com/inde_rajput.php


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